Ne m’entraîne pas avec toi, la route est longue, le pas est lourd.
Moi je suis loin, mais mon pays, je le vois d’ici, au-dessus de l’horizon, comme une montagne qui s’érige au-dessus des nuages. La lumière de cette fin de journée m’encercle et tourne si vite qu’elle me donne le vertige. Où est le ciel, où est le sol, où sont les bons hommes, ceux qui se lèvent, ceux qui parlent, qui brandissent le poing en regardant droit devant.
Nous parlons beaucoup, mais nous n’agissons pas. Nous pointons du doigt dans la bonne direction, mais rarement dans le bon sens. Les enfants sont las d’être assis sur la poussière que nous ne balayons pas, que les tourbillons de l’Ouest n’emportent plus, et qui s’enracine dans les ornières des pas de notre trajet quotidien. Les gens du haut regardent en direction de ceux du bas, et ceux du milieu sont perdus. Intimidés par ceux du dessus, ils baissent leurs yeux sur ceux du bas, oubliant trop souvent que la pluie et le beau temps ne viennent pas du sol et que les arbres ne descendent pas du ciel. Gavée de pluie, de neige, et de vent, la terre étouffe, devient stérile.
Mais méfiez-vous, parfois elle se réveille, elle tremble, se soulève pour rappeler à ceux qui dorment dessus qu’elle est un privilège, et non un dû.
J’ai mal à la tête et mal aux yeux, je vois des gens bien trop armés tirant à bout portant sur la Liberté. Que l’on excuse ma naïveté, je n’ai pas du bien écouter mes cours d’éducation civique. Je croyais que parler était un droit, que marcher était un droit. Je croyais que la répression n’arrivait qu’au temps des Rois. Je croyais que la Justice était égale, que l’Égalité était fraternelle, et que la Fraternité était libre.
Je ne savais pas que la devise de mon pays était d’abord devenue monétaire avant d’être une lumière.
J’ai mal à la tête et mal au cœur, je vois des gens qui triment pour se nourrir, et d’autres qui volent pour se goinfrer. Je vois des gens à qui l’on excuse rien, et d’autres à qui l’on accorde tout. Je vois des gens, qui ne vivent de rien, écouter la leçon de ceux qui n’en ont jamais manqué. Pendant ce temps-là, la télé tourne, dans les foyers, et les images sont sans appel : les voyous des bas quartiers brisent la glace sur les Champs Élysées. Il en coûtera à l’économie, à l’image du pays, à la démocratie.
L’avenir s’invite dans la rue, il se veut meilleur, plus équitable pour nos enfants. L’avenir s’invente, il n’attend pas, mais il étouffe sous les fumées. L’avenir s’évite si on l’ignore, si on le méprise, si on le réprime impulsivement. L’avenir est là, élève la voix, mais on ne l’écoute pas.
L’avenir est là, baissons les armes, ouvrons les bras.