Ne vous y méprenez pas, il ne s’agit pas ici d’un texte qui se complait dans la plainte, la colère ou les larmes au sujet des actualités tragiques de cette dernière semaine, que je ne citerai d’ailleurs pas, car cette locution vaudra encore dans un mois, dans deux ans, ou même dans trois décennies. Voici un sujet discuté quelques fois ces dernières années avec des amis d’horizons différents, mais qui ont un point en commun : ils croient en une force supérieure, que ce soit un Dieu, le Destin, le Karma, ou toutes celles que j’oublie. Petite parenthèse en passant, avez-vous déjà remarqué que « c’est le destin ! » – ou peu importe comment vous l’appelez – lorsque que quelque chose d’inattendu et de positif se produit dans leur vie, ou dans la vôtre, mais rarement lorsqu’il s’agit d’un évènement tragique. Dans ce cas, ils vous diront probablement que « la vie est injuste ».

En effet, le monde dans lequel nous vivons n’est pas juste. La vie n’est pas juste, pas plus qu’elle n’est injuste par ailleurs. Pensez-vous une seconde que le lion sera jugé, ou puni pour avoir mangé l’enfant de cette pauvre maman zèbre ? Évidemment non, et pour cause, la justice est une notion créée par et pour l’homme, et qui prend deux formes : celle d’institutions gouvernementales, et celle des croyances. La première forme a pour but de nous empêcher d’agir nous-même dans le cas où nous souhaiterions prendre une revanche sur une entité qui nous aurait causé du tort, en nous assurant que le système dans lequel nous évoluons le fera pour nous, le tout dans un cadre légal. Cette notion nous rend gouvernables. Si cet aspect mériterait à lui seul un article, ce n’est cependant pas tellement cet aspect de la question dont je voudrais discuter ici.

La seconde, plus personnelle, existe à travers nos croyances personnelles. Elle nous permet de déléguer tout ce que nous ne pouvons contrôler, ce sur quoi nos actions individuelles n’ont aucun effet, à ce que certaines personnes appellent le choix de Dieu, ou à ce que d’autres appellent le Karma. Ne croyant ni en l’un, ni en l’autre, moi, j’appelle ça le hasard. Penser qu’il y a une justice en ce monde, c’est croire en cette force supérieure qui régit les évènements qui se produisent dans notre vie, croire que cette augmentation de salaire intervient parce que vous avez pris la peine d’assister votre voisine en fauteuil roulant tout le mois dernier. De manière similaire, croire au Destin, c’est croire que cette personne que l’on a pris un jour en stop sur le bord de la route et qui est depuis devenue notre meilleur ami était ici à ce moment-là dans un but précis, qu’elle n’était pas là par hasard. Si vous croyez en cette force supérieure, vous ne pouvez donc pas croire au hasard. En effet, le hasard, c’est admettre l’inexistence de cette force, admettre qu’une personne qui s’efforcent à agir positivement dans ce monde peut vivre une vie bien plus pénible que quelqu’un dont les actions sont globalement mauvaises, c’est accepter le fait que demain matin, lorsque vous traverserez la rue pour aller chercher votre baguette de pain, vous avez autant de chance de passer sous ce satané bus que ce voisin qui bat sa femme, peu importe que vous ayez ou non donné cette pièce qui traine dans votre poche à ce type qui fait la manche en bas de l’immeuble. Le hasard, c’est accepter de vivre dans un monde incertain et sur lequel nous n’avons aucun semblant de contrôle. Effrayant, n’est-ce pas ? Pas étonnant que nous préférions compter sur cette mystérieuse force supérieure pour soulager nos angoisses… Mon opinion, c’est que la vie n’est pas juste, et la vie n’est pas injuste. Elle est ce qu’elle est, tout simplement : une succession d’évènements sans relations, qui interviennent sans raison, et qui définissent nos actions, ou la personne que l’on est. Etant donné l’importance de ce qui en ressort, à savoir, le chemin que nous choisissons et notre identité, il nous est ainsi plus facile d’essayer de donner une interprétation et un sens à ces évènements initiaux plutôt que d’accepter le fait que la vie est absurde.

Nous ne sommes livrés qu’à deux choses : à nous-même et au hasard. Et comme le hasard n’est aucunement influençable, cela revient à dire que nous ne sommes livrer qu’à nous-même. Nous ne sommes effectivement que des pantins, mais c’est à nous d’en tirer les ficelles. C’est d’ailleurs ce qui peut rendre la vie compliquée parfois.

De plus et pour conclure, au-delà du réconfort que cela peut nous offrir, penser que quelque chose de plus grand que nous veille sur nos vies peut également mener à une déresponsabilisation partielle de l’individu puisqu’il remet une part de son « destin » aux mains de quelque chose d’autre que soi. Quelque chose sur lequel il n’a aucun contrôle.

Confier quelque chose d’important à quelque chose d’incontrôlable… Seriez-vous prêts à dévaler la montagne dans une voiture sans freins ni volant ?

 

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