En plein cœur des préoccupations sociales et économiques dans lesquelles les gilets jaunes ont plongé la France, de gré ou de force, les débats au sein même du peuple battent leur plein, par le biais notamment et surtout des réseaux sociaux. Il faut dire que les violences exceptionnelles auxquelles assistent aujourd’hui la nation, à travers l’écran pour les uns, au travers des gaz lacrymogènes pour les autres, ont su mettre la mécanique de nos claviers à rude épreuve. Car s’il est vrai que la manifestation des gilets jaunes a des allures de révolution citoyenne, le dispositif policier, lui, a revêtu ses vieux habits de répression aux couleurs d’abus de pouvoir.

Dans un contexte de crise sociale déjà bien présent, la taxe sur les carburants a mis le feu au poudre, et ce sont bientôt par milliers que les Français descendent dans les rues pour exprimer leur raz-le-bol, et avec eux, bien sûr, son lot de « casseurs », soigneusement relayé de manière acharnée, parfois jusqu’à la manipulation de l’information, par une bonne partie des grands médias.

Sur Internet en revanche, on ne tarde pas à voir nos fils d’actualités inondés de témoignages et d’images au parfum pour le moins différent. Les vidéos se suivent et se ressemblent. Les manifestants s’écroulent sous les coups de matraque, ou au contact de ces fameuses balles de caoutchouc qui, à défaut d’être létales, ôtent un œil à celui-ci, trois phalanges à celui-là. Et les commentaires eux aussi de pleuvoir. On félicite le maintien de l’ordre, on justifie la répression par la présomption de culpabilité, ce bénéfice du doute qui consiste à demander si celui qui s’effondre n’a pas, comme d’autres manifestants, casser une vitrine, crier sa colère un peu trop fort. Moi, je lis, impuissant, de l’autre bout de la planète, et j’ai honte.

« Ce sont leurs enfants qu’ils étalent sur le pavé »

Ce début de 21e siècle commence à faire résonner l’aveu dégueulasse de son époque : celui d’une société qui, par son entêtement financier et son obsession de croissance, a réussi à transformer les hommes en consommateurs pour lesquels le préjudice matériel est devenu plus grave que le préjudice physique, pour lesquels le bruit d’un parebrise qui cède est devenu plus insupportable que les cris déchirants d’un homme à qui l’on casse impunément les côtes, un système qui par sa manipulation médiatique, a plongé la conscience de l’Homme dans un coma si profond qu’il lui est désormais incapable d’analyser ce qui se joue sous ses yeux, de voir que la guerre qui éclate jusque sous sa fenêtre n’est pas une histoire de taxe à la pompe ou d’une revalorisation du SMIC : c’est celle du peuple contre une oligarchie depuis des décennies corrompue jusqu’à la moelle, réprimée dans le sang et les larmes par d’autres victimes de cette même élite de qui ils prennent leur ordres ; de voir que les justiciers au casque blindé n’essaient pas de faire taire des délinquants, mais une idée : l’idée d’un avenir meilleur, pour tous, et que par conséquent, ce sont leurs enfants qu’ils étalent sur le pavé, vos enfants que vous condamnez derrière votre indifférence et votre approbation. A l’heure des lanceurs d’alertes, des médias indépendants, et de l’accès à l’information facilité par Internet, il est de la responsabilité de chacun que de se conscientiser sur le monde dans lequel il vit, de provoquer cet éveil trop longtemps réprimé par la pensée unique, car à rester dormant sans effort, à laisser l’inhumain l’emporter sur l’humain, à regarder l’abus sans jamais le confronter, on finit inévitablement par en devenir le complice.

Il est de notre devoir démocratique que de douter, de questionner l’actualité, de remettre en cause le système. Le persuadé qui réprouve avec force et sans autre forme de procès l’idée qu’une entité supérieure à lui-même puisse ne pas être intègre, légitime, ainsi que la nécessité à la réformer, celui-là qui se sait sain d’esprit n’est pas rationnel, c’est un croyant pour qui la critique est un blasphème.

Laissons la persuasion à ceux qui n’ont rien pour nous convaincre.

Mettons un terme à la déshumanisation de masse.

Pour un monde plus équitable pour tous, éveillons-nous.

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